Guillermo Villalba, un « Colibri » colombien

Au premier plan, Guillermo Villalba, en randonnée éducative au sein de l'agro-parque Los Sanchos
Au premier plan, Guillermo Villalba, en randonnée éducative au sein de l'agro-parque Los Sanchos

A  Bogotá, j’ai eu l’occasion de rencontrer Guillermo VILLALBA, paysan colombien et l’un des cofondateurs de l’agro-parque Los Soches. Guillermo fait parti de ces personnes qui construisent le monde de demain pour le rendre plus soutenable et plus respectueux de la Nature et des Hommes.

 

La Savane de Bogotá
La Savane de Bogotá

L’agro-parque Los Soches est situé au Sud-est de la Savane de Bogotá. Par « Savane », comprenez une végétation propre au climat tempéré d’altitude de la Cordillère des Andes. La Savane de Bogotá doit son nom à la rivière Bogotá qui est un affluent du fleuve Magdalena, le plus grand fleuve de Colombie. L’agro-parque Los Sanchos, perché entre 2800 et 3300 mètres d’altitude, est né dans les années  1990, de la volonté de paysans colombiens, dont Guillermo, de lutter contre la croissance effrénée de la ville de Bogotá engendrant une urbanisation non maîtrisée, notamment dans des zones à « haut potentiel environnemental » comme les qualifie Guillermo.

 

Bogotá (8 millions d'habitants) perchée à 2600 mètres le long de la Cordillère orientale des Andes
Bogotá (8 millions d'habitants) perchée à 2600 mètres le long de la Cordillère orientale des Andes

En effet, Bogotá rassemble aujourd’hui environ 16 % de la population totale de la Colombie. La capitale a grandi intensément au rythme des différentes migrations de populations. Dans les années 1940, l’industrialisation de la ville a attiré les populations des campagnes. Dans les années 1970, l’exode rural se poursuivant, la population s’est multipliée par 9. Bogotá est alors 12 fois plus grande qu’en 1938. De plus en plus de quartiers informels (sans permis) se sont alors construits, tant et si bien que dans les années 1990, la municipalité de Bogotá estime à environ 50 % le taux de ces constructions informelles sur les territoires en périphérie de Bogotá et notamment dans la Savane de Bogotá. C’est dans ce contexte d’urbanisation croissante et anarchique que Guillermo et d’autres paysans ont décidé de s’associer en 1990 pour tenter de protéger certaines terres rurales afin de pouvoir continuer leur activité agricole sur leurs terres.

 

Si aujourd’hui cet agro-parque est entièrement accepté par la ville de Bogotá et même valorisé par une activité touristique rémunératrice, cela n’a pas été le cas dans ses débuts m’explique Guillermo. En effet, la politique foncière de la ville, entre 1993 et 1995, a consisté à augmenter considérablement les impôts fonciers des terres des paysans de la Savane de Bogotá dans le but de leur faire vendre leurs terres pour poursuivre la politique d’urbanisation qui constitue un secteur économique lucratif. Les revenus agricoles des paysans de la Savane de Bogotá ne suffisant pas à couvrir les nouvelles charges foncières, 93 familles de paysans se sont ainsi retrouvées obligées de vendre leurs terres, sans savoir où aller s’installer pour poursuivre leurs activités agricoles. C’est ainsi qu’un mouvement de solidarité s’est crée entre ces familles pour pouvoir survivre. Un litige s’est alors engagé entre ces familles et la municipalité de Bogota pour créer une zone rurale protégée de toute urbanisation. En 1998, un accord a enfin été conclu pour acter le changement d’utilisation des sols : l’agro-parque Los Sanchos est né et est légalement reconnu comme une zone permettant de construire un modèle de vie alternatif.

 

Aujourd’hui, l’agro-parque Los Sanchos vise à contribuer au développent et à l’attraction de la capitale colombienne avec une vision orientée vers la conservation de l'environnement et l'agriculture traditionnelle (sans engrais ni pesticides). L’agro-parque propose ainsi des activités liées à la préservation de l'environnement et à la sensibilisation du public à la protection de l'environnement. L’agro-parque dispose ainsi de sentiers pédestres, VTT et à cheval d’éducation à l’environnement (observation de la faune et de la flore), organise des études régulières réalisées par des scientifiques sur la qualité de l’environnement, accueille des écoles primaires, collèges, lycées, universités et des touristes pour les sensibiliser à la protection de leur environnement et met en place des ateliers gastronomiques à partir des produits biologiques cultivés et élevés par les agriculteurs de l’agro-parque.

 


Guillermo souligne que l’agro-parque Los Sanchos constitue pour lui une petite victoire à l’échelle de la politique environnementale menée par l’Etat colombien qui vend à grands tours de bras des zones naturellement riche en biodiversité (la forêt Amazonienne ou la Sierra de Santa Marta au Nord du pays pour ne citer que deux exemples) à des compagnies privées telles que PuntoCom ou Aviatur pour qu’elles gèrent économiquement ces zones. C’est ainsi que des zones entières souffrent de déforestation et de contamination des sols pour pouvoir faire prospérer l’économie nationale du minerais (or, carbone, émeraude et charbon). Guillermo m’explique ainsi que les coulées de boue qui ont eu lieu dans le Sud de la Colombie fin mars, qui ont détruit une partie de la ville de Mocoa et causé environ 300 morts, sont principalement dues au changement climatique et à la déforestation massive qui a lieu dans cette région.

 


Néanmoins, Guillermo considère qu’il fait sa part car il a réussi à convaincre la municipalité de Bogotá de ne pas pratiquer de déforestation dans cette partie de la Savane de Bogotá et que l’agro-parque Los Sanchos n’était pas un frein au développement et à l’attraction de la capitale. Bogotá met ainsi aujourd’hui grandement en valeur ce parc naturel qui constitue un bassin d’emplois important puisque 460 personnes travaillent aujourd’hui dans cet agro-parque. Il est d’ailleurs certifié par la norme internationale ISO 9001 et a été inscrit récemment au Registre National du Tourisme Colombien. « Une modeste victoire pour nous, les paysans de la Savane de Bogotá, à l’échelle des problèmes environnementaux de la Colombie, mais une victoire quand même pour notre chère Pachamama !» conclue Guillermo.

 

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