Ludivine, de la ferme du Génival, qui nourrit des vaches avec de l'herbe!
- Juillet 2014 -
En s'arrêtant quelques jours à Bessoncourt, nous en avons profité pour aller à la rencontre de Ludivine, gérante, avec son conjoint Eric, de la Ferme du Génival.
Bref historique
C'est en 1997 que l'installation agricole de 50 hectares et 20 vaches laitières et 12 vaches allaitantes est reprise par Eric à la suite de ses parents. Pendant 10 ans, il fera tout le nécessaire, non sans difficultés, pour remettre aux normes l'installation. A cette époque, Ludivine est comptable en Chambre d'Agriculture.
En 2005, Eric décide de s'allier au Groupement Agricole d'Exploitation en Commun (GAEC) de Gilles (une ferme voisine) en devenant locataire d'une partie de l'installation de ce dernier. Cependant, Ludivine et Eric se rendent compte rapidement que ce fonctionnement ne leur convient pas, le GAEC fonctionnant selon un mode d'élevage intensif de vaches laitières sans aucun pâturages pour ces demoiselles, ni aucun contact humain puisqu'elles tournent sur un rotor au moment de la traite.
Dès lors, en 2006, Ludivine et son époux décident de construire un bâtiment d'élevage principalement en bois. Ludivine nous explique que le choix du bois est justifié par le fait que c'est non seulement un matériau qui caractérise la région (donc local), qui vieillit très bien et qui est très chaleureux. C'est l'entreprise PRETOT qui les aidera à construire leur bâtiment agricole et dont ils ont été très satisfaits.
Petite biographie de Ludivine
Ludivine ne vient pas du tout du milieu agricole, ses parents occupant deux places de cadres dans deux grandes surfaces de la région. Elle a été comptable en Chambre Agricole pendant 9 ans après avoir obtenu son BTS. Cependant, la volonté de ne pas travailler en bureau, de faire sa propre entreprise, tout en respectant sa philosophie de vie l'ont conduit à rejoindre Eric qui, quant à lui a suivi une formation agricole approfondie en BAC professionnel.
L'élevage des demoiselles tachetées
En 2008, Ludivine et son mari peuvent alors utiliser le bâtiment agricole toujours dans l'objectif de valoriser l'herbe au maximum car il ne faut pas l'oublier, nous rappelle Ludivine, les vaches sont avant tout herbivores ! Pour elle et son mari, donner de l'herbe aux vaches constitue une évidence car c'est leur alimentation naturelle, c'est donc l'alimentation la plus saine qu'elles peuvent avoir, mais c'est aussi l'alimentation la plus économique car ils n'achètent pas de soja (le soja pour animaux ne se trouvant plus sans OGM), seulement du lin de manière à leur apporter davantage de protéines pour favoriser une meilleure production de lait riche en oméga 3 et 6 (grands amis aidant à lutter contre les maladies cardiovasculaires). A noter, sans rire, que le lin permet à ces demoiselles fort coquettes de moins éructer (donc relâchent moins de méthane dans l'air).
La Ferme du Génival dispose à 95 % de son propre fourrage. Cette quasi- autosuffisance leur permet d'être moins tributaire des cours mondiaux et de savoir exactement ce qu’ils donnent à manger à leurs bêtes, sans compter, ajoute Ludivine « qu'économiquement, c’est très rentable aussi d’être auto-suffisant, après il faut avoir les hectares nécessaires».
Enfin, leurs vaches sont soignées le plus naturellement possible (homéopathie, phytothérapie et huiles essentielles), autant d'antibiotiques que l'on ne retrouve pas dans le lait, et la Ferme travaille en partenariat avec la pharmacie de Roppe.
La vente directe, une idée qui a dépassé les attentes de Ludivine
En 2010, Ludivine et Eric souhaitent donner une nouvelle dynamique à l’exploitation. En premier lieu, l’objectif est que Ludivine puisse quitter son emploi de comptable et rejoindre Eric sur la ferme. Pour cela, il faudrait agrandir la ferme. Or, en raison d'une trop forte urbanisation dans la commune de Bessoncourt et les alentours, ce projet est impossible. Ludivine pense alors que la vente directe (sans intermédiaires qui ont des marges bien plus que raisonnables) pourrait combler ce manque à gagner et permettre de développer l’exploitation sans foncier supplémentaire.
C'est ainsi qu'en 2011, Ludivine et Eric ouvrent leur petite boutique à la Ferme du Génival où se vend de bons produits naturels et bio issus de leur propre production de lait (soit 35 000 litres par an), mais aussi des productions locales tels que des légumes de la ferme de Tacquard à Reppe et des serres de la Mollière à Chavannes s/l’étang, des bières de la Brasserie franc-comtoise de Giromagny, de la viande bio de la Ferme de l’Étang Fourchu de Florimont et de la volaille bio du GAEC Voireuchon de Meslières, des jus de pommes de la ferme LITZLER de Bettendorf, des produits de beauté de La Ferme du Bois de Sante à Foucherans.
Ils adhèrent aussi à la Charte Bleu Blanc Cœur, mais sans pouvoir malheureusement commercialiser les produits car aucun circuit de commercialisation n'existe dans la région (le circuit existant dans l'Ouest de la France essentiellement).
L'urbanisation croissante du Territoire
Psychologiquement ce n’est pas facile pour Ludivine et Eric car il y a tout le temps de la surface perdue chaque jour en raison de l'urbanisation croissante sur le Territoire. Sur 100 hectares, ils ne sont propriétaires que de 15 hectares et louent les 85 hectares.
Cela dit, ils reconnaissent que le fermage est bien encadré car ils sont prioritaires en cas de vente. Le Schéma de COhérence Territorial (SCOT) est aussi censé garantir une réserve d'espace agricole. Cela dit le SCOT ne va pas forcément dans le sens des agriculteurs. Exemple : 1 exploitation meurt pas semaine en France en raison de l’urbanisation croissante. Sur le Territoire de Belfort, on est sur une zone où il y a le plus de magasins par rapport à la densité d’habitants relève Ludivine. Ludivine ne rejette pas les commerces, mais explique que consommer a ses limites et qu’il faut consommer pour ce que l’on a besoin. Ludivine n’a pas envie de laisser un monde non durable a ses enfants.
Quels projets à venir ?
Pourquoi pas la méthanisation ?
Pour le moment, Ludivine et son époux estiment que le coût d’investissement est trop cher, mais avec les déchets verts de Sundgau Compost d’Hirsingue ils réfléchissent à l’idée de créer une telle structure ensemble
Pourquoi ne pas passer carrément au bio ?
Pour Ludivine, aujourd’hui, « passer au bio, c’est trop de risques financiers car il faut laisser le temps à la terre de se refaire… et surtout à Eric et moi de se faire à l'idée que le bio ne va pas nous faire couler notre production ».
Pour l'instant, leur façon de produire correspond à une agriculture raisonnée (peu d’engrais chimiques et jamais d’engrais de fond pour le maïs) et ils sont en train de réfléchir à des mélanges de maïs avec d’autres céréales tels que des pois, du seigle, des lentilles et de l'orge pour l’apport intéressant en énergie et protéine. Ils travaillent aussi beaucoup sur l’herbe avec des mélanges de féverole et lupin, ainsi que du trèfle avec de la luzerne car cela permet aux vaches de produire du lait de meilleure qualité. Ils font ces mélanges à partir de mélanges suisses car la Suisse n'étant pas dans l'Union européenne, elle n'est pas soumise aux mêmes lobbies industriels.
Après quelques instants de réflexion, Ludivine note : « Pour passer au bio, il faudrait ôter les quelques produits phytosanitaires qu'ils nous restent, mais surtout ôter la peur de ne pas avoir le rendement attendu ». Ensuite ajoute-elle, dans le système actuel, faire comprendre aux gens que le bio a toute sa place, tant pour la santé que pour l'écononomie locale et donc nationale, ce n'est vraiment pas facile de faire changer les mentalités marquées par la société de consommation où ce sont les grandes surfaces qui tiennent le tout. Ludivine en prend pour exemple la fixation du prix du lait qui est toujours fixé par les grandes surfaces au moment où le dernier mot doit être lâché. La conséquence est qu'à force de faire du prix pour le prix, on perd la notion même du réel coût des choses et donc de la qualité explique Ludivine. On débouche par voie de conséquence sur des maladies telle que l'allergie au gluten qui devient de plus en plus répandue en raison de blés de mauvaise qualité.
On essaye de changer les choses par la vente directe, en faisant sortir les gens des grandes surfaces, leur faire reprendre le contact avec la ferme, savoir d’où vient leurs steaks, leur lait… « On est dans une société où les gens ne se posent plus de questions ! Ils consomment sans vraiment savoir d'où viennent leurs produits, mais s'inquiètent de leur surpoids et de leur santé, très paradoxale ». Cette vente directe permet d’avoir plus de liens sociaux et notamment des contacts avec les enfants. On essaye en tout cas d’aller de plus en plus vers le durable.
Quels impacts positifs sur le Territoire ?
- Une conservation et un entretien de l'espace agricole
- Les déchets de la station d’épuration locale servent de compost sur l’agriculture céréalière
- La vente directe crée un lien social indéniable
- Les visites des enfants permettent de faire de l'éveil durable
- Les clients sont très satisfaits des produits vendus
Le rêve pour un monde durable de Ludivine : « Arrêtons avec la société de consommation, consommons moins mais mieux ! » Ludivine et Eric y participent déjà, ce sont des petits Colibris du Territoire !