De Madère aux Canaries

- Février 2016 -

Nous étions arrivés à Caniçal, par un jour de gros temps sous les nuages menaçants du Nord. Renaud et Ben, un jeune "marinfirmier" croisé sur Porto Santo, y débarquèrent pour rentrer en France. Nous repartirons de cette île sous le soleil intense d'une journée sans vent. Ce seront trois jours à partager de nouveau les activités en mer en cercle restreint, pour jeter les amarres sur l'île de La Graciosa pendant deux jours, histoire de prendre le temps d'une petite randonnée sur ce bout de terre - cette île quasi uniquement recouverte de sable saharien ou hérissée de cendres noires témoignant du passé volcanique de l'archipel.


Nous finirons notre périple marin au port de Porto Calero sur l'île de Lanzarote. Nous prendrons le temps de faire quelques balades sur cette île désertique semblable à sa petite sœur le sable en moins. Nous repensons au Parc national de Timanfaya traversé par une unique route sans laquelle il serait impossible de rouler. Le champ de lave révèle une explosion volcanique qui emporta avec elle des tonnes de lave en fusion qui refroidirent brusquement lorsqu'elles furent projetées à des kilomètres d'altitude pour retomber sur la périphérie de ses volcans recouvrant le sol d'un amoncellement difforme de blocs de quelques millimètres à plusieurs mètres de haut. Ce paysage tout droit venu du monde imaginaire du Mordor dans le Seigneur des anneaux nous conduit jusqu'aux cratères des volcans responsables de ce carnage basaltique. La largeur du cratère laisse songeur sur le phénomène naturel qui se déroula sur cette île au XVIIIème siècle. Le trajet fût quelque peu difficile puisque, additionné à la montée respectable, un vent océanique de face participa quelque peu au ralentissement du convoi cycliste.

 

 


Christine et Bernard partiront en éclaireurs sur l'île de Tenerife rejoindre leur fils. Nous resterons seuls sur le bateau quelques jours pour préparer la suite du voyage (billets d'avion, visas) et dire aurevoir à notre chère Gavotte ! Encore un grand merci à eux pour cette première aventure sur l'Océan !


Un saut par l'île de Gran Canaria pour récupérer nos visas et nous passerons une semaine inattendue sur l'île de Tenerife. Tout d'abord, trois jours sous une pluie tropicale nous permettront de mettre le site à jour, préparer soigneusement notre départ en avion (pesée des bagages dans le marché central de Tenerife) et l'itinéraire sur l'île. En effet, l'île n'est ni plus ni moins qu'un volcan de 3700m de haut. Il ne nous en fallait pas plus pour tenter de trouver une route qui montait le plus haut possible. Nous ne pensions par contre pas que les pluies qui nous ont bloquées à Tenerife avaient déposées un manteau neigeux digne des plus hauts sommets Alpins...

 


Nous partîmes par la route Sud évitant soigneusement les axes engorgés. La route serpentant sur les contreforts de ce colosse de basalte, nous dormirons, en guise de premier bivouac, sur une avancée nous permettant de nous délecter d'une vue imprenable sur l'Océan d'un côté et sur les monts du Teide enneigés de l'autre. Ce jour là, le matelas de Jess aura la bonne idée de se dégonfler face au défi qui l'attendait. Nous serons obligés de redescendre dans la ville de El Médano pour y récupérer un matelas mousse bien plus volumineux et fiable que les Exped gonflables. Dommage! Leur confort et leur efficacité face au froid étaient vraiment appréciables. Nous finirons à la belle étoile, sur la plage, face à la lune pleine et rousse.

 

Le lendemain, nous prendrons un bus pour retrouver l'altitude de la veille aux alentours de 600m et pouvoir gravir les autres 1600m qui nous séparaient de notre prochain bivouac. La grimpette en question nous fera passer de paysages tropicaux aux forêts d'altitude entre pins et sapins. La fin des 31 km se clôturant par un... bouchon ! Le premier de notre vie que nous vîmes en montagne. La raison est simple, le Parc national du Teide était fermé aux véhicules à cause des fortes chutes de neige qui se sont abattues trois jours auparavant et qui rendaient les routes impraticables...enfin, impraticables pour les habitants de l'île qui n'avaient pas vu le Teide sous la neige depuis 100 ans ! Autant dire qu'ils n'ont que très peu de dé-neigeuses et encore moins de pneus neige ! La température passera de 28 degrés à une petite quinzaine en milieu de journée et descendant même sous 0 degré la nuit. Ce bivouac à 2200 m sera réchauffé par la rencontre inattendue de deux jeunes Allemands fort sympathiques.

 

8H, nous voilà réveillés brusquement par un groupe de jeunes Chinois venant jouer une partie de foot juste à côté de notre tente ! On sort la tête dehors en espérant ne pas recevoir le ballon en pleine tête. Les Chinois nous regardent du coin de l’œil, l'air sceptique. Après un bon petit déj, à refaire le monde autour d'une tasse de café en compagnie du couple d'Allemands, nous voilà repartis sur nos montures, au milieu des rires d'enfants déjà présents avec leurs parents découvrant les joies de la neige. La route est désertée par les voitures, les piétons se réapproprient pleinement la largeur de la route. Nous devons presque slalomer entre eux. Arrivés aux abords de la Cañada, sorte de cratère primaire qui contient la dernière formation volcanique de l'île : le Mont Teide. Nous entrons alors dans un monde à part. Nous quittons la mer de nuages bordant les contreforts de la montagne. Le paysage est lunaire. Alternance de sable venu du Sahara, de dépôts basaltiques venus des éruptions explosives, de roches d'un vert opale témoignant d'une activité thermale. D'un côté les falaises de la Cañada nous emprisonnent doucement dans son cratère situé à 2300 mètres, de l'autre le Mont Teide nous domine fièrement du haut de ses 3718 mètres de lave solidifiée depuis à peine 107 ans et recouverte d'un exceptionnel manteau neigeux. Le terrain est lissé par le vent, les murailles rocheuses de la Cañada sont rongées par les alternances de gel, neige et soleil. L'érosion est ici très forte. La dé-neigeuse racle surtout les cailloux fraîchement tombés sur la route. Apprenant, sur les quelques panneaux explicatifs que le volcan est toujours en activité, nous accélérerons la cadence. Il est en effet rapporté qu'il serait capricieux et susceptible le bougre. ;-)

 

La suite se déroulera, toujours sans présence de véhicules à moteur, au beau milieu d'un monde pittoresque. Nous roulions en shorts/T-shirts par 25 degrés, avec environ deux mètres de neige sur les côtés d'une route à peine dégagée pour laisser passer un deux roues, le tout, au centre d'un paysage à couper le souffle : vaste, l'horizon stoppé net derrière les flancs de la Cañada, déformé par les nombreux amas de lave déposés par les éruptions antiques du Teide qui ne percent que sporadiquement le manteau neigeux. L'ambiance sonore qui règne accentuant encore un peu la sensation de solitude puisque seul le bruit de l'eau s'échappant de la glace est audible.


La descente s'amorçe, le froid du flan nord commence à se renforcer et nous sommes obligés d'enfiler vestes et gants. Le paysage donne maintenant sur la ville de La Orotava. La descente de la crête est devant nous et nous enchaînons une petite grimpette juste avant la descente en roues libres de 50 km. La route se transforme peu à peu, la neige tassée s'installe. La voiture militaire au croisement précédant nous revient en tête au moment où l'on aperçoit un Bobcat qui travaille au loin. On dirait qu'il déneige la route, mais c'est un engin de chantier donc on doute, on s'approche et lorsque l'on arrive à son niveau, on voit l'étendue du problème. La route n'existe plus, recouverte de près d'1m50 de neige, par endroit elle a tant été recouverte qu'on ne la devine même plus dans la pente. Nous n'avons pas le choix, le seul itinéraire que nous pouvons prendre est celui qui descend à La Orotava. Adieu les 50 km de descente en roues libres, on doit se rediriger vers le nord de l'île pour dormir à La Orotova et reprendre la route le lendemain. Nous finirons de nuit par 4 degrés aux environs de 700m.

 

Le lendemain nous permettra de rejoindre San Cristobal afin de nous positionner 600m au-dessus de la mer et pouvoir ainsi faire les derniers kilomètres et rejoindre le ferry de 6h (il n'y avait plus de logement à prix raisonnable à Santa Cruz). Le ferry nous emmènera sur l'île de Gran Canaria d'où nous partirons en avion vers Madrid, puis Cuba. La dernière étape de 70km nous permettant de rejoindre un camping proche de l'aéroport finira d'achever le petit reste de force qu'il nous reste. Le 28 février, nous nous rendons à l'aéroport de Gran Canaria, finissant le parcours par le lit d'une rivière asséchée, passant près de 3 heures à préparer bagages et vélos pour l'avion dans l'aéroport.


Ciao les Canaries ! C'était super ! Vamos a Cuba !

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